Jean Marais le lumineux


Masque de la Bête reconstitué sur les indications de Jean Marais.
Estimation : 8 000/12 000 euros.
Samedi 22 mars, Éléphant Paname.

“Ange doux, ange brutal... pur, limpide, sans mélange, fermé comme le cristal”, lui écrivit Jean Cocteau. L’acteur n’a pas manqué d’impressionner tous ceux qui l’ont rencontré. Jean Marais était beau, rayonnant, d’une élégance naturelle, doué d’un heureux caractère. Contre vents et marées, il a su s’imposer – avec l’aide indéfectible de Cocteau. Leurs noms associés au cinéma brillent encore de mille feux, source inépuisable pour les jeunes cinéastes. Et un film en particulier, La Belle et la Bête. Rien qu’à Paris, deux versions de ce conte inspiré d’un livre du XVIIIe siècle tiennent le haut de l’affiche : au théâtre Mogador, un spectacle issu de la comédie musicale américaine, et au cinéma, la version de Christophe Gans. Le chef-d’oeuvre de Cocteau a été restauré et numérisé l’année dernière. À voir absolument ! Ce film éminemment poétique est l’aboutissement d’un pari fou né dans le Paris tout juste libéré. Jean Marais incarne non seulement la Bête, mais aussi Avenant, le cupide soupirant de la Belle interprétée par Josette Day, et le Prince. L’ami Christian Bérard est chargé des décors et des costumes (exécutés par la maison Paquin), Georges Auric signe la musique. L’acteur s’implique aussi bien dans les idées de scénographie que dans la création de son rôle ; il avait envisagé le personnage avec une tête de cerf, avant de se résoudre à un monstre carnivore sur les conseils de Bérard. Les deux Jean se rendent alors chez le perruquier Jean-Alfred Pontet pour le masque. Sur un moulage du visage de Marais en plâtre recouvert de tulle, celui-ci colle un à un les poils. Ce masque allant des yeux à la bouche et de la bouche au poitrail, Hagop Arakelian maquillait ensuite l’acteur, chaque jour et durant plusieurs heures, avec des touffes de poils non seulement pour le visage mais aussi pour les mains, puis fixait les faux crocs... Le masque complet de la Bête fut reconstitué pour la promotion du film. Jean Marais regrettait même que la Belle n’épousât pas la Bête telle quelle. Ce fut un de ses plus beaux rôles, sa présence illuminant le monstre malheureux.
La Gazette Drouot n°10 du 14 mars 2014 - Anne Foster